La guerre des mondes (américain - 2004)
Le
grand retour de Spielberg ne se fera pas avec un petit film intimiste
sur un sujet sensible mais bien avec le blockbuster de l'été 2005
(enfin pour le blockbuster vraiment blockbuster attendons The island
quand même).
La guerre des mondes mélange deux genres distincts et
intimement liés de série B qui sont très cher à Spielberg :
l'épouvante/horreur et les extra-terrestres. Pour le premier on a Duel,
bonne idée mais inabouti, Les dents de la mer, sympathique mais un peu
trop "brouillon" et bien évidement la bilogie (le troisième n'étant
qu'une vulgaire série B à gros budget) des Jurassic Park, bien plus
réussie et bien plus aboutis à tous les niveaux, surtout le deuxième
qui s'affranchissait des traces d'humour pour gamin du premier et
possèdait (et possède toujours aux dernières nouvelles) des scènes bien
plus stressantes et bien plus intenses. Dans le deuxième genre, le film
d'extra-terrestre donc pour ceux à qui mon petit descriptif a fait
perdre le fil, Spielberg nous a servis deux films majeurs de son oeuvre
- E.T. et Rencontre du 3ème type - et une série TV dont on taiera le
nom (on est sérieux ici, on fait du ciné pas de la télé !). Films
réussies mais où les extra-terrestres étaient de gentils bougres et les
humains (enfin dans E.T.) étaient les plus méchants.
Ici, finis les
nain à doigt luminescant et les alien mélomane. Les alien qui arrivent
sur terre sont machiavelique, impitoyable, vicieux, mais surtout ils
sont intelligent. Ben oui quoi, ils n'ont pas décidés comme ça un jour
de balancer leurs engins sur Terre, ils ont planifier, ils ont attendus
calmement, sournoisement, avant d'attaquer comme par hasard à notre
époque.
Plutôt que de montrer l'invasion sur sa globalité en nous
donnant des tonnes de personnages secondaires et pas - ou alors pas
clairement - de héros principal, Spielberg nous montre l'invasion vécu
par Ray et ses deux enfants qu'il avait pour le week-end. A des
kilomètres de tous ses rôles habituels, Tom Cruise
campe ici un bouseux
père de famille bauf qui ne sait pas s'habiller (bonjour le beau jean
moulant !) et, visiblement, n'a pas su convaincre sa femme (enfin
ex-femme) qu'il ferait un bon père et surtout la convaincre de rester
ensemble. Bref c'est un homme raté qui nous sert ici de héros. Un homme
comme les autres, un homme curieux, un homme pas toujours intelligent,
et la seule chose qui le diffère des autres est sa bestialité aténué à
cause de ses enfants.
La guerre des mondes joue sur la carte de la
suggestion, pas au même point que le projet blair witch ou que signes
mais jamais Spielberg ne montre pour montrer. Son film c'est le point
de vue de Ray et ses enfants et ça ne sera rien d'autre, ainsi soit-il.
Plutôt que de nous montrer une scène de bataille dantesque ultra-rythmé,
Spielberg filme la fuite. Car ici les héros sont les
survivants. Ceux
qui partent au combat ont peu de chance d'en revenir, sauf si bien sûr
ils se décident à fuir et même là leurs chances de survie sont plus que
limitées.
Le
film joue sur la peur, comme lors d'une
scène hallucinante du chat et de la souris entre une sorte de sonde
extra-terrestre et les survivants. Pourtant ici c'est l'homme qui est
montré comme le plus terrifiant. Il nous montre la
bestialité de l'homme repoussé à ses dernières limites, à l'image de
cette foule transformée en zombies, et de Ray ne pensant qu'à sa propre
survie, refusant d'aider les autres, et tuant même un homme à mains nue
pour assurer la survie de lui et de sa fille. A ce propos, Tom Cruise nous offre une partition tout à fait
remarquable et en profite pour améliorer son palmarès.
La guerre des
mondes ne cède à rien, pas question de montrer de grandes
courses-poursuites. Ici les courses-poursuites à, terrain découvert
finissent par de l'humain vaporisé. Pas question non plus d'affronter
les aliens. Ils sont tout simplement indestructible.
Un mot sur la
toute jeune et ô combien talentueuse Dakota Fanning, toute petite fille
au talent immense. Tant qu'elle ne tombera pas dans les mêmes
saloperies que Drew Barymore (de E.T. donc) ça va. Sinon...
En
oubliant tout sentiment patriotique et en préférant tabler sur les
sentiments humains plutôt que sur les grosses batailles, Spielberg nous
sert ici un chef-d'oeuvre après une période fade.Pourvu que ça dure !
Critique de la fin, SPOILER de rigueur évidemment
Pourquoi faire une critique juste sur la fin ? Eh bien cette fin qui a tant suscitée la contreverse, qui a tant déçus, qui a tant divisée méritait à elle seule une critique, et pour faire plus terre à terre, j’avais envie de faire une critique sur cette fin sans être obliger de me casser le cul à l’incorporer dans la critique complète, et alors il aurait fallut mettre un spoiler pour tout l’article ou bien ne pas mettre de spoiler (ce qui est gênant pour critiquer la fin vous en conviendrez…). J’aurais pu aussi mettre un spoiler en pleins milieux mais ça fait moche. Alors donc cette fameuse fin, remettons-nous la en mémoire : arrivé à Denver avec sa fille, Ray voit les alien tomber comme des mouches, visiblement totalement affaiblis. Il va à la maison des parents de sa femme et trouve sa femme, son mari, les parents de sa femme et…son fils que l’on croyait mort. Bref sorte de happy-end en apparence mais uniquement si on prend La guerre des mondes pour un film catastrophe, ce qu’il n’est pas. Car en fait dès lors que l’on voit le film comme la quête d’un homme pour retrouver son véritable rôle de père tout s’explique. Si son fils est vivant c’est avant tout une récompense, il a réussie dans sa mission. Alors certes le message est ultra religieux, « soyez un bon père et vous survivrez à une attaque extra-terrestre et vous pourrez retrouver votre famille en un seul morceaux », mais pas seulement. Déjà on est loin d’un happy-end classique. Happy-end signifie « fin heureuse », heureuse ? Ray n’a gagné que ses galons de père, pas ceux de mari. Alors que tout le monde est ensemble lui reste à l’écart, ils lui sont reconnaissant mais ne l’aiment pas pour autant « c’est gentil d’avoir sauvés notre fille, maintenant casse-toi », voilà la phrase qu’aurait pu dire n’importe qui du groupe ex-femme/mari/beaux-parents. Un autre point de cette fin est de nous renvoyer notre propre égoïsme. Spielberg et Koepp le savaient, le public n’accepteraient que difficilement la survie du mari et du fils, et pourtant ils l’ont fait. Pourquoi ? Eh bien pour nous montrer, tout simplement, que ça n’est pas notre film, notre vision, mais le leur. Beaucoup de gens ont critiqués cette fin en disant « oui c’est un méga happy-end », pourtant ces mêmes gens, consciemment ou inconsciemment ont souhaités la mort du mari pour permettre à Ray de retrouver sa femme, et combien se sont dis en voyant le gosse vouloir rejoindre l’armée « eh ben qu’il y aille, et qu’il crève » ? Ainsi non seulement Spielberg et Koepp montrent leur indépendance et leur refus du classique, mais ils nous renvoient à notre propre égoïsme bien humain du fait de notre volonté de voir mourir différents protagonistes de l’histoire.
FIN DU SPOILER
La guerre des mondes
film américain / 2004
réalisateur : Steven Spielberg
avec : Tom Cruise , Dakota Fanning , Justin Chatwin